Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.nous n'en serons pas moins inseparables. Vous J'avais regagne ma maison en traversant 6
nous n’en serons pas moins inséparables. Vous J’avais regagné ma maison en traversant 6
<TEI> <text> <body> <div n="1"> <p><pb facs="#f0105" n="81"/> nous n’en serons pas moins inséparables. Vous<lb/> avez mon or et j’ai votre ombre. Il n’est plus<lb/> de repos pour l’un ni pour l’autre. Jamais ombre<lb/> a-t-elle abandonné son homme? la vôtre m’en-<lb/> traîne, m’attache à votre suite, jusqu’à ce qu’enfin<lb/> il vous plaise de la recevoir en grâce, et de<lb/> m’en débarrasser. Je vous le prédis, vous ferez<lb/> un jour, et trop tard, par lassitude et par en-<lb/> nui, ce que vous n’avez pas voulu faire de bon<lb/> coeur, quand il en était temps. On n’échappe<lb/> pas à sa destinée!» Il continuait à parler sur<lb/> le même ton; je fuyais en vain, il était tou-<lb/> jours là, il s’obstinait avec ironie à me retracer<lb/> les attraits de l’ombre et de l’or. Je ne pou-<lb/> vais me recueillir, ni former aucune pensée<lb/> suivie.</p><lb/> <p>J’avais regagné ma maison en traversant<lb/> quelques rues écartées et désertes; j’eus peine<lb/> à la reconnaître. Les fenêtres en étaient bri-<lb/> sées, les portes barricadées, aucune lumière<lb/> n’éclairait les appartemens, aucun bruit ne s’y<lb/> faisait entendre, aucun domestique ne m’atten-<lb/> dait. Mon invisible persécuteur éclata de rire.<lb/> «Ainsi va le inonde, dit-il, mais vous retrou-<lb/> verez votre Bendel. On l’a prudemment l’autre<lb/> <fw place="bottom" type="sig">6</fw><lb/></p> </div> </body> </text> </TEI> [81/0105]
nous n’en serons pas moins inséparables. Vous
avez mon or et j’ai votre ombre. Il n’est plus
de repos pour l’un ni pour l’autre. Jamais ombre
a-t-elle abandonné son homme? la vôtre m’en-
traîne, m’attache à votre suite, jusqu’à ce qu’enfin
il vous plaise de la recevoir en grâce, et de
m’en débarrasser. Je vous le prédis, vous ferez
un jour, et trop tard, par lassitude et par en-
nui, ce que vous n’avez pas voulu faire de bon
coeur, quand il en était temps. On n’échappe
pas à sa destinée!» Il continuait à parler sur
le même ton; je fuyais en vain, il était tou-
jours là, il s’obstinait avec ironie à me retracer
les attraits de l’ombre et de l’or. Je ne pou-
vais me recueillir, ni former aucune pensée
suivie.
J’avais regagné ma maison en traversant
quelques rues écartées et désertes; j’eus peine
à la reconnaître. Les fenêtres en étaient bri-
sées, les portes barricadées, aucune lumière
n’éclairait les appartemens, aucun bruit ne s’y
faisait entendre, aucun domestique ne m’atten-
dait. Mon invisible persécuteur éclata de rire.
«Ainsi va le inonde, dit-il, mais vous retrou-
verez votre Bendel. On l’a prudemment l’autre
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