Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.Les heures cependant s'etaient ecoulees, et Il sourit de ma consternation, et poursuivit Les heures cependant s’étaient écoulées, et Il sourit de ma consternation, et poursuivit <TEI> <text> <body> <div n="1"> <pb facs="#f0112" n="88"/> <p>Les heures cependant s’étaient écoulées, et<lb/> le crépuscule avait insensiblement succédé à la<lb/> nuit. Un secret effroi me fit tressaillir, lorsque<lb/> levant les yeux je vis l’orient briller des cou-<lb/> leurs qui annoncent le retour du soleil, et à<lb/> l’heure ou les ombres que projettent les corps<lb/> opaques jouissent de leur plus grande dimen-<lb/> sion, je ne découvrais contre lui dans la con-<lb/> trée ouverte que je parcourais, aucun abri, au-<lb/> cun rempart; et je n’étais pas seul! Alors,<lb/> pour la première fois, je jetai un coup-d’oeil<lb/> sur mon compagnon de voyage; je frémis de<lb/> nouveau, ce rhéteur n’était autre que l’homme<lb/> en habit gris.</p><lb/> <p>Il sourit de ma consternation, et poursuivit<lb/> ainsi son discours, sans me laisser le temps<lb/> de prendre la parole: «Souffrez qu’une fois,<lb/> comme c’est l’usage dans le monde, notre in-<lb/> térêt commun nous réunisse; nous aurons tou-<lb/> jours le temps de nous séparer. Je vous aver-<lb/> tis que cette route qui traverse les montagnes,<lb/> est la seule que vous puissiez tenir. Vous n’ose-<lb/> riez descendre dans la plaine, et vous ne voudriez<lb/> pas sans doute repasser les montagnes pour<lb/> retourner au lieu d’où vous êtes venu; ce chemin<lb/></p> </div> </body> </text> </TEI> [88/0112]
Les heures cependant s’étaient écoulées, et
le crépuscule avait insensiblement succédé à la
nuit. Un secret effroi me fit tressaillir, lorsque
levant les yeux je vis l’orient briller des cou-
leurs qui annoncent le retour du soleil, et à
l’heure ou les ombres que projettent les corps
opaques jouissent de leur plus grande dimen-
sion, je ne découvrais contre lui dans la con-
trée ouverte que je parcourais, aucun abri, au-
cun rempart; et je n’étais pas seul! Alors,
pour la première fois, je jetai un coup-d’oeil
sur mon compagnon de voyage; je frémis de
nouveau, ce rhéteur n’était autre que l’homme
en habit gris.
Il sourit de ma consternation, et poursuivit
ainsi son discours, sans me laisser le temps
de prendre la parole: «Souffrez qu’une fois,
comme c’est l’usage dans le monde, notre in-
térêt commun nous réunisse; nous aurons tou-
jours le temps de nous séparer. Je vous aver-
tis que cette route qui traverse les montagnes,
est la seule que vous puissiez tenir. Vous n’ose-
riez descendre dans la plaine, et vous ne voudriez
pas sans doute repasser les montagnes pour
retourner au lieu d’où vous êtes venu; ce chemin
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