Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.et glisser comme sur les ailes du Zephyr. L'hon- J'ouvris enfin les yeux. Le soleil etait en- *
et glisser comme sur les ailes du Zéphyr. L’hon- J’ouvris enfin les yeux. Le soleil était en- *
<TEI> <text> <body> <div n="1"> <p><pb facs="#f0127" n="99"/> et glisser comme sur les ailes du Zéphyr. L’hon-<lb/> nête Bendel, le front radieux, passa devant moi,<lb/> et me tendit la main. De nombreux groupes<lb/> semblaient former dans le lointain des danses<lb/> légères. Je reconnus plusieurs personnes; je<lb/> crus te reconnaître toi-même, mon cher Adel-<lb/> bert. Une vive lumière éclairait le paysage;<lb/> cependant personne n’avait d’ombre, et ce qu’il<lb/> y avait de plus extraordinaire, c’est que cela<lb/> n’avait rien de choquant. Des chants retentis-<lb/> saient sous des bosquets de palmiers, tout res-<lb/> pirait le bonheur. Je ne pouvais fixer toutes ces<lb/> images fugitives, je ne pouvais même les com-<lb/> prendre, mais leur vue me remplissait d’une<lb/> douce émotion, et je sentais que ce rêve m’en-<lb/> chantait. J’aurais voulu qu’il durât toujours, et<lb/> en effet long-temps après m’être réveillé, je<lb/> tenais encore les yeux fermés, comme pour en<lb/> retenir l’impression dans mon âme.</p><lb/> <p>J’ouvris enfin les yeux. Le soleil était en-<lb/> core au ciel, mais du côté de l’orient; j’avais<lb/> dormi le reste du jour précédent et la nuit tout<lb/> entière. Il me sembla que ce fût un avertisse-<lb/> ment de ne plus retourner à mon auberge. J’a-<lb/> bandonnai sans regret, tout ce que j’y possé-<lb/> <fw place="bottom" type="sig">*</fw><lb/></p> </div> </body> </text> </TEI> [99/0127]
et glisser comme sur les ailes du Zéphyr. L’hon-
nête Bendel, le front radieux, passa devant moi,
et me tendit la main. De nombreux groupes
semblaient former dans le lointain des danses
légères. Je reconnus plusieurs personnes; je
crus te reconnaître toi-même, mon cher Adel-
bert. Une vive lumière éclairait le paysage;
cependant personne n’avait d’ombre, et ce qu’il
y avait de plus extraordinaire, c’est que cela
n’avait rien de choquant. Des chants retentis-
saient sous des bosquets de palmiers, tout res-
pirait le bonheur. Je ne pouvais fixer toutes ces
images fugitives, je ne pouvais même les com-
prendre, mais leur vue me remplissait d’une
douce émotion, et je sentais que ce rêve m’en-
chantait. J’aurais voulu qu’il durât toujours, et
en effet long-temps après m’être réveillé, je
tenais encore les yeux fermés, comme pour en
retenir l’impression dans mon âme.
J’ouvris enfin les yeux. Le soleil était en-
core au ciel, mais du côté de l’orient; j’avais
dormi le reste du jour précédent et la nuit tout
entière. Il me sembla que ce fût un avertisse-
ment de ne plus retourner à mon auberge. J’a-
bandonnai sans regret, tout ce que j’y possé-
*
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