Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.Un soir, ou, suivant ma coutume, j'avais Cependant Fanny perdit l'usage de ses sens. Un soir, où, suivant ma coutume, j’avais Cependant Fanny perdit l’usage de ses sens. <TEI> <text> <body> <div n="1"> <pb facs="#f0050" n="32"/> <p>Un soir, où, suivant ma coutume, j’avais<lb/> rassemblé dans un jardin magnifiquement illu-<lb/> miné, une société nombreuse et choisie, je m’en-<lb/> fonçai avec ma maîtresse dans un bosquet écarté.<lb/> Je lui donnais le bras, je lui disais des dou-<lb/> ceurs; son regard était modestement baissé, et<lb/> sa main répondait légèrement à l’étreinte de la<lb/> mienne, lorsqu’inopinément la lune apparut der-<lb/> rière nous, sortant du sein d’un épais nuage.<lb/> Elle ne réfléchit que la seule ombre de Fanny,<lb/> qui, surprise, me regarda d’abord, puis reporta<lb/> les yeux à terre, y cherchant, avec inquiétude<lb/> l’image de celui qui était à ses côtés. Ce qui<lb/> se passait en elle se peignit d’une manière si<lb/> bizarre sur sa physionomie, que je n’aurais pu<lb/> m’empêcber d’en rire aux éclats, si, au même<lb/> moment, songeant à moi-même, un frisson<lb/> glacial ne m’eût saisi.</p><lb/> <p>Cependant Fanny perdit l’usage de ses sens.<lb/> Je la laissai se dégager de mes bras, et per-<lb/> çant comme un trait la foule de mes hôtes, je<lb/> gagnai la porte, me jetai dans la première voi-<lb/> ture qui se rencontra, et revins précipitamment<lb/> à la ville, oû, pour mon malheur, j’avais laissé<lb/> cette fois le circonspect Bendel. Le désordre<lb/></p> </div> </body> </text> </TEI> [32/0050]
Un soir, où, suivant ma coutume, j’avais
rassemblé dans un jardin magnifiquement illu-
miné, une société nombreuse et choisie, je m’en-
fonçai avec ma maîtresse dans un bosquet écarté.
Je lui donnais le bras, je lui disais des dou-
ceurs; son regard était modestement baissé, et
sa main répondait légèrement à l’étreinte de la
mienne, lorsqu’inopinément la lune apparut der-
rière nous, sortant du sein d’un épais nuage.
Elle ne réfléchit que la seule ombre de Fanny,
qui, surprise, me regarda d’abord, puis reporta
les yeux à terre, y cherchant, avec inquiétude
l’image de celui qui était à ses côtés. Ce qui
se passait en elle se peignit d’une manière si
bizarre sur sa physionomie, que je n’aurais pu
m’empêcber d’en rire aux éclats, si, au même
moment, songeant à moi-même, un frisson
glacial ne m’eût saisi.
Cependant Fanny perdit l’usage de ses sens.
Je la laissai se dégager de mes bras, et per-
çant comme un trait la foule de mes hôtes, je
gagnai la porte, me jetai dans la première voi-
ture qui se rencontra, et revins précipitamment
à la ville, oû, pour mon malheur, j’avais laissé
cette fois le circonspect Bendel. Le désordre
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