Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.re, le quatrieme ma fille sera l'epouse d'un Je voulus essayer d'adresser encore quel- Echappe a la vigilance de Bendel, je me re, le quatrième ma fille sera l’épouse d’un Je voulus essayer d’adresser encore quel- Echappé à la vigilance de Bendel, je me <TEI> <text> <body> <div n="1"> <p><pb facs="#f0078" n="58"/> re, le quatrième ma fille sera l’épouse d’un<lb/> autre.»</p><lb/> <p>Je voulus essayer d’adresser encore quel-<lb/> ques paroles à Mina, mais elle se cacha en<lb/> sanglotant dans le sein de sa mère; et celle-ci<lb/> me repoussant du geste, me commanda de m’é-<lb/> loigner. Je sortis en chancelant du jardin, et<lb/> il me sembla que le paradis se fermait derrière<lb/> moi, et que j’étais poursuivi par l’épée flam-<lb/> boyante de l’ange des vengeances.</p><lb/> <p>Echappé à la vigilance de Bendel, je me<lb/> jetai dans la campagne, et parcourus au hasard<lb/> les bruyères et les bois. Une sueur froide dé-<lb/> coulait de mon front, de sourds gémissemens<lb/> sortaient du fond de ma poitrine; un affreux<lb/> délire m’agitait. J’ignore combien de temps pou-<lb/> vait s’être écoulé, lorsque sur la pente d’une<lb/> colline, éclairée des rayons du soleil, je me<lb/> sentis arrêter par la basque de mon habit. Je<lb/> me retournai, c’était l’homme en habit gris, qui<lb/> paraissait m’avoir poursuivi à perte d’haleine.<lb/> Il prit sur-le-champ la parole. «Je vous avais<lb/> annoncé mon retour pour aujourd’hui, mais vous<lb/> n’avez pas eu la patience de m’attendre; c’est<lb/> égal, rien n’est encore perdu. Vous suivrez<lb/></p> </div> </body> </text> </TEI> [58/0078]
re, le quatrième ma fille sera l’épouse d’un
autre.»
Je voulus essayer d’adresser encore quel-
ques paroles à Mina, mais elle se cacha en
sanglotant dans le sein de sa mère; et celle-ci
me repoussant du geste, me commanda de m’é-
loigner. Je sortis en chancelant du jardin, et
il me sembla que le paradis se fermait derrière
moi, et que j’étais poursuivi par l’épée flam-
boyante de l’ange des vengeances.
Echappé à la vigilance de Bendel, je me
jetai dans la campagne, et parcourus au hasard
les bruyères et les bois. Une sueur froide dé-
coulait de mon front, de sourds gémissemens
sortaient du fond de ma poitrine; un affreux
délire m’agitait. J’ignore combien de temps pou-
vait s’être écoulé, lorsque sur la pente d’une
colline, éclairée des rayons du soleil, je me
sentis arrêter par la basque de mon habit. Je
me retournai, c’était l’homme en habit gris, qui
paraissait m’avoir poursuivi à perte d’haleine.
Il prit sur-le-champ la parole. «Je vous avais
annoncé mon retour pour aujourd’hui, mais vous
n’avez pas eu la patience de m’attendre; c’est
égal, rien n’est encore perdu. Vous suivrez
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