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Fontane, Theodor: Wanderungen durch die Mark Brandenburg. Bd. 2: Das Oderland. Berlin, 1863.

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juger et dont le jugement seroit certainement juste. Je me rejouis fort
cependant de voir que le soin paternel du Sieur Apollon se reveille et
qu'il prend apresent soin de purger le Parnasse des mauvaises produc-
tions faites par des chetifs poetes. Je crois que cela lui doit aller fort
bien, quand avec une grande chambriere, il se met a chasser ces monstres
poetiques. Comme je suis du nombre de ceux qu'il a etrilles, je peux
Madame, Vous en donner des nouvelles. J'assure qu'a le voir il etoit
l'ebauche vivante d'un de ces gens, qui chassent les chiens des eglises.
Ce n'est pas par rancune que je lui donne cette epith ethe, quoiqu'en
quelque facon j'aye lieu d'en avoir, car mes intentions depuis que je me
mele de la poetique ont ete pour l'ordinaire de priser la beaute des
dames, d'y meler un peu de tendre et je crois que cette maniere fait
que l'on a beaucoup de support pour la rime. Soit ce qu'il en soit, je
lui pardonne les coups et tout. Mais comme la recompense du bien ac-
compagne toujours la punition du mal, je suis persuade, Madame, que
les beaux progres que Vous avez fait dans ce meme art, ne reste-
ront pas sans etre recompenses. Je suis de plus persuade, que les
doctes soeurs Vous adopteront pour dixieme. Gare seulement que Vous
ne leur donniez trop de jalousie, car si elles avoient l'honneur de Vous
connoitre comme je l'ai, Votre esprit, Votre merite, Votre beaute, qui
les surpasse de beaucoup, seroit l'unique raison qui pourroit alterer ce
projet. En cas que Vous profitiez de leur ignorance je Vous supplierois,
Madame, de faire des remonstrances au Sieur Appollon de ses manieres
d'agir -- dites lui s'il Vous plait qu'il ne sied pas bien a un directeur
des arts et sciences de maltraiter une personne d'honneur et que ses
coups de "gaule?" n'etoient point du tout polis. Je lui suggererois
volontiers un moyen de me punir dorenavant de facon qui ne me fera
aucune peine ni a tout autre poete. Qu'il cree un ordre de Chevallerie.
Il pourra les nommer "Chevaliers de la mauvaise rime." En
nous en donnant les insignes, il dependra de lui de nous etriller comme
bon lui semblera, et l'honneur de la chevallerie nous fera endurer les
coups patiemment. J'ai la confiance en Vous, Madame, que Vous me
ferez ce plaisir, ou si Vous voulez me tirer de cette difficulte Vous le
pouvez sans peine. -- Permettez seulement que j'ose faire mes vers sans
Vos auspices et que je puisse Vous invoquer pour les faire. Lors je ne
pourrai rien faire de mauvais au nom d'une personne si parfaite. J'at-
tends mon arret, Madame, sur ma priere, je l'attends avec impatience
mais aussi avec resignation. Faites et disposer comme il Vous plaira
mais permettez moi seulement d'oser Vous assurer que je serai, tant en
prose qu'en vers, avec beaucoup d'estime et de veneration Madame Votre
parfaitement fidele ami et serviteur Frederic.


juger et dont le jugement seroit certainement juste. Je me réjouis fort
cependant de voir que le soin paternel du Sieur Apollon se réveille et
qu’il prend aprésent soin de purger le Parnasse des mauvaises produc-
tions faites par des chetifs poêtes. Je crois que cela lui doit aller fort
bien, quand avec une grande chambrière, il se met à chasser ces monstres
poëtiques. Comme je suis du nombre de ceux qu’il a étrillés, je peux
Madame, Vous en donner des nouvelles. J’assure qu’à le voir il étoit
l’ébauche vivante d’un de ces gens, qui chassent les chiens des églises.
Ce n’est pas par rancune que je lui donne cette épith èthe, quoiqu’en
quelque façon j’aye lieu d’en avoir, car mes intentions depuis que je me
mêle de la poëtique ont été pour l’ordinaire de priser la beauté des
dames, d’y mêler un peu de tendre et je crois que cette manière fait
que l’on a beaucoup de support pour la rime. Soit ce qu’il en soit, je
lui pardonne les coups et tout. Mais comme la récompense du bien ac-
compagne toujours la punition du mal, je suis persuadé, Madame, que
les beaux progrès que Vous avez fait dans ce même art, ne reste-
ront pas sans être recompensés. Je suis de plus persuadé, que les
doctes soeurs Vous adopteront pour dixième. Gare seulement que Vous
ne leur donniez trop de jalousie, car si elles avoient l’honneur de Vous
connoitre comme je l’ai, Votre esprit, Votre mérite, Votre beauté, qui
les surpasse de beaucoup, seroit l’unique raison qui pourroit altérer ce
projet. En cas que Vous profitiez de leur ignorance je Vous supplierois,
Madame, de faire des remonstrances au Sieur Appollon de ses manières
d’agir — dites lui s’il Vous plait qu’il ne sied pas bien à un directeur
des arts et sciences de maltraiter une personne d’honneur et que ses
coups de „gaule?“ n’étoient point du tout polis. Je lui suggérerois
volontiers un moyen de me punir dorénavant de façon qui ne me fera
aucune peine ni à tout autre poête. Qu’il crée un ordre de Chevallerie.
Il pourra les nommer „Chevaliers de la mauvaise rime.“ En
nous en donnant les insignes, il dépendra de lui de nous étriller comme
bon lui semblera, et l’honneur de la chevallerie nous fera endurer les
coups patiemment. J’ai la confiance en Vous, Madame, que Vous me
ferez ce plaisir, ou si Vous voulez me tirer de cette difficulté Vous le
pouvez sans peine. — Permettez seulement que j’ose faire mes vers sans
Vos auspices et que je puisse Vous invoquer pour les faire. Lors je ne
pourrai rien faire de mauvais au nom d’une personne si parfaite. J’at-
tends mon arrêt, Madame, sur ma prière, je l’attends avec impatience
mais aussi avec résignation. Faites et disposer comme il Vous plaira
mais permettez moi seulement d’oser Vous assurer que je serai, tant en
prose qu’en vers, avec beaucoup d’estime et de vénération Madame Votre
parfaitement fidèle ami et serviteur Fréderic.


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[514/0526] juger et dont le jugement seroit certainement juste. Je me réjouis fort cependant de voir que le soin paternel du Sieur Apollon se réveille et qu’il prend aprésent soin de purger le Parnasse des mauvaises produc- tions faites par des chetifs poêtes. Je crois que cela lui doit aller fort bien, quand avec une grande chambrière, il se met à chasser ces monstres poëtiques. Comme je suis du nombre de ceux qu’il a étrillés, je peux Madame, Vous en donner des nouvelles. J’assure qu’à le voir il étoit l’ébauche vivante d’un de ces gens, qui chassent les chiens des églises. Ce n’est pas par rancune que je lui donne cette épith èthe, quoiqu’en quelque façon j’aye lieu d’en avoir, car mes intentions depuis que je me mêle de la poëtique ont été pour l’ordinaire de priser la beauté des dames, d’y mêler un peu de tendre et je crois que cette manière fait que l’on a beaucoup de support pour la rime. Soit ce qu’il en soit, je lui pardonne les coups et tout. Mais comme la récompense du bien ac- compagne toujours la punition du mal, je suis persuadé, Madame, que les beaux progrès que Vous avez fait dans ce même art, ne reste- ront pas sans être recompensés. Je suis de plus persuadé, que les doctes soeurs Vous adopteront pour dixième. Gare seulement que Vous ne leur donniez trop de jalousie, car si elles avoient l’honneur de Vous connoitre comme je l’ai, Votre esprit, Votre mérite, Votre beauté, qui les surpasse de beaucoup, seroit l’unique raison qui pourroit altérer ce projet. En cas que Vous profitiez de leur ignorance je Vous supplierois, Madame, de faire des remonstrances au Sieur Appollon de ses manières d’agir — dites lui s’il Vous plait qu’il ne sied pas bien à un directeur des arts et sciences de maltraiter une personne d’honneur et que ses coups de „gaule?“ n’étoient point du tout polis. Je lui suggérerois volontiers un moyen de me punir dorénavant de façon qui ne me fera aucune peine ni à tout autre poête. Qu’il crée un ordre de Chevallerie. Il pourra les nommer „Chevaliers de la mauvaise rime.“ En nous en donnant les insignes, il dépendra de lui de nous étriller comme bon lui semblera, et l’honneur de la chevallerie nous fera endurer les coups patiemment. J’ai la confiance en Vous, Madame, que Vous me ferez ce plaisir, ou si Vous voulez me tirer de cette difficulté Vous le pouvez sans peine. — Permettez seulement que j’ose faire mes vers sans Vos auspices et que je puisse Vous invoquer pour les faire. Lors je ne pourrai rien faire de mauvais au nom d’une personne si parfaite. J’at- tends mon arrêt, Madame, sur ma prière, je l’attends avec impatience mais aussi avec résignation. Faites et disposer comme il Vous plaira mais permettez moi seulement d’oser Vous assurer que je serai, tant en prose qu’en vers, avec beaucoup d’estime et de vénération Madame Votre parfaitement fidèle ami et serviteur Fréderic.

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Zitationshilfe: Fontane, Theodor: Wanderungen durch die Mark Brandenburg. Bd. 2: Das Oderland. Berlin, 1863, S. 514. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/fontane_brandenburg02_1863/526>, abgerufen am 22.11.2024.