Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.VII. Je veux, mon cher Adelbert, en appeler a ton VII. Je veux, mon cher Adelbert, en appeler à ton <TEI> <text> <body> <pb facs="#f0101" n="[77]"/> <div n="1"> <head> <hi rendition="#b">VII.</hi> </head><lb/> <p><hi rendition="#in">J</hi>e veux, mon cher Adelbert, en appeler à ton<lb/> jugement sans chercher à le séduire. Long-temps,<lb/> juge impitoyable de moi-même, j’ai nourri le<lb/> ver rongeur dans mon âme. Cet instant critique<lb/> et décisif de ma vie, sans cesse présent à mes<lb/> yeux, me tenait dans le doute et l’humiliation. —<lb/> Mon ami, celui qu’une première imprudence<lb/> écarte du droit chemin se voit bientôt égaré<lb/> dans de perfides sentiers dont la pente l’entraîne,<lb/> il ne saurait déjà plus retourner en arrière;<lb/> ses regards interrogent en vain les astres du<lb/> ciel, il ne saurait plus régler sur eux sa marche;<lb/> il faut poursuivre, le gouffre l’appelle, et bien-<lb/> tôt il ne lui reste plus qu’à se dévouer lui-<lb/> même à Némésis. — Après la faute qui avait<lb/> attiré sur moi le mépris des hommes, criminel<lb/> par un amour irréfléchi, j’avais témérairement<lb/> enveloppé dans mes tristes destinées l’existence<lb/> d’un autre être. Devais-je balancer, quand il<lb/> en était encore temps, à m’élancer en aveugle<lb/></p> </div> </body> </text> </TEI> [[77]/0101]
VII.
Je veux, mon cher Adelbert, en appeler à ton
jugement sans chercher à le séduire. Long-temps,
juge impitoyable de moi-même, j’ai nourri le
ver rongeur dans mon âme. Cet instant critique
et décisif de ma vie, sans cesse présent à mes
yeux, me tenait dans le doute et l’humiliation. —
Mon ami, celui qu’une première imprudence
écarte du droit chemin se voit bientôt égaré
dans de perfides sentiers dont la pente l’entraîne,
il ne saurait déjà plus retourner en arrière;
ses regards interrogent en vain les astres du
ciel, il ne saurait plus régler sur eux sa marche;
il faut poursuivre, le gouffre l’appelle, et bien-
tôt il ne lui reste plus qu’à se dévouer lui-
même à Némésis. — Après la faute qui avait
attiré sur moi le mépris des hommes, criminel
par un amour irréfléchi, j’avais témérairement
enveloppé dans mes tristes destinées l’existence
d’un autre être. Devais-je balancer, quand il
en était encore temps, à m’élancer en aveugle
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