Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.mon ombre a la richesse. -- Que pouvais-je Je n'etais pas encore revenu de mon trou- Et que penses-tu que je fisse alors! O, mon ombre à la richesse. — Que pouvais-je Je n’étais pas encore revenu de mon trou- Et que penses-tu que je fisse alors! O, <TEI> <text> <body> <div n="1"> <p><pb facs="#f0034" n="16"/> mon ombre à la richesse. — Que pouvais-je<lb/> faire désormais sur la terre?</p><lb/> <p>Je n’étais pas encore revenu de mon trou-<lb/> ble, lorsque la voiture s’arrêta devant mon au-<lb/> berge; l’aspect de cette masure m’indigna, j’au-<lb/> rais rougi de remettre le pied dans le misé-<lb/> rable grenier où j’étais logé. J’en fis sur-le-<lb/> champ descendre ma valise, je la reçus avec<lb/> dédain, laissai tomber quelques pièces d’or, et<lb/> ordonnai de me conduire au plus brillant hôtel<lb/> de la ville. Cette maison était exposée au nord,<lb/> et je n’avais rien à y craindre du soleil; je<lb/> donnai de l’or au cocher, je me fis ouvrir le<lb/> plus bel appartement, et je m’y enfermai dès<lb/> que j’y fus seul.</p><lb/> <p>Et que penses-tu que je fisse alors! O,<lb/> mon cher Adelbert, en te l’avouant la rougeur<lb/> me couvre le visage. Je tirai la malheureuse<lb/> bourse de mon sein, et avec une sorte de fu-<lb/> reur, semblable au délire toujours croissant de<lb/> ces fièvres ardentes, qui s’alimentent par leur<lb/> propre malignité, j’y puisai de l’or, encore de<lb/> l’or, sans cesse de l’or. Je le répandais sur le<lb/> plancher, je l’amoncelais autour de moi, je fai-<lb/> sais sonner celui que le retirais sans interru-<lb/></p> </div> </body> </text> </TEI> [16/0034]
mon ombre à la richesse. — Que pouvais-je
faire désormais sur la terre?
Je n’étais pas encore revenu de mon trou-
ble, lorsque la voiture s’arrêta devant mon au-
berge; l’aspect de cette masure m’indigna, j’au-
rais rougi de remettre le pied dans le misé-
rable grenier où j’étais logé. J’en fis sur-le-
champ descendre ma valise, je la reçus avec
dédain, laissai tomber quelques pièces d’or, et
ordonnai de me conduire au plus brillant hôtel
de la ville. Cette maison était exposée au nord,
et je n’avais rien à y craindre du soleil; je
donnai de l’or au cocher, je me fis ouvrir le
plus bel appartement, et je m’y enfermai dès
que j’y fus seul.
Et que penses-tu que je fisse alors! O,
mon cher Adelbert, en te l’avouant la rougeur
me couvre le visage. Je tirai la malheureuse
bourse de mon sein, et avec une sorte de fu-
reur, semblable au délire toujours croissant de
ces fièvres ardentes, qui s’alimentent par leur
propre malignité, j’y puisai de l’or, encore de
l’or, sans cesse de l’or. Je le répandais sur le
plancher, je l’amoncelais autour de moi, je fai-
sais sonner celui que le retirais sans interru-
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