Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838."cria-t-il avec l'expression de l'effroi, oui, c'e- Il eclata contre lui-meme en reproches amers, «cria-t-il avec l’expression de l’effroi, oui, c’é- Il éclata contre lui-même en reproches amers, <TEI> <text> <body> <div n="1"> <p><pb facs="#f0042" n="24"/> «cria-t-il avec l’expression de l’effroi, oui, c’é-<lb/> «tait lui, c’était lui-même. Et moi, aveugle,<lb/> «insensé que j’étais, je ne l’ai pas reconnu,<lb/> «malgré la peinture exacte que vous m’en aviez<lb/> «faite, et j’ai trahi la confiance de mon maître.»</p><lb/> <p>Il éclata contre lui-même en reproches amers,<lb/> et le désespoir auquel je le voyais se livrer<lb/> excita ma compassion. Je cherchai à le conso-<lb/> ler; je l’assurai que je ne doutais nullement de<lb/> sa fidélité; mais je lui ordonnai de courir aus-<lb/> sitôt au port, et de suivre, s’il en était encore<lb/> temps, les traces de l’inconnu. Il y vola, mais<lb/> un grand nombre de vaisseaux, retenus depuis<lb/> long-temps par les vents contraires, venaient<lb/> de mettre à la voile pour toutes les contrées<lb/> du monde; et l’homme en habit gris avait dis-<lb/> paru, hélas! comme mon ombre qu’il emportait<lb/> sans laisser de vestiges.</p> </div><lb/> <milestone rendition="#hr" unit="section"/><lb/> </body> </text> </TEI> [24/0042]
«cria-t-il avec l’expression de l’effroi, oui, c’é-
«tait lui, c’était lui-même. Et moi, aveugle,
«insensé que j’étais, je ne l’ai pas reconnu,
«malgré la peinture exacte que vous m’en aviez
«faite, et j’ai trahi la confiance de mon maître.»
Il éclata contre lui-même en reproches amers,
et le désespoir auquel je le voyais se livrer
excita ma compassion. Je cherchai à le conso-
ler; je l’assurai que je ne doutais nullement de
sa fidélité; mais je lui ordonnai de courir aus-
sitôt au port, et de suivre, s’il en était encore
temps, les traces de l’inconnu. Il y vola, mais
un grand nombre de vaisseaux, retenus depuis
long-temps par les vents contraires, venaient
de mettre à la voile pour toutes les contrées
du monde; et l’homme en habit gris avait dis-
paru, hélas! comme mon ombre qu’il emportait
sans laisser de vestiges.
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