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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.

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VI.

Je donnai un libre cours a mes larmes. Elles
soulagerent enfin mon coeur du poids insuppor-
table qui l'oppressait. Cependant je ne voyais
aucun terme a ma misere, et je me nourris-
sais, avec une sorte de fureur, du nouveau
poison que l'inconnu venait de verser dans mes
blessures. Mon ame appelait a grands cris l'image
de Mina, cette image douce et cherie. Elle
m'apparaissait pale, eploree, telle que je l'avais
vue pour la derniere fois au jour de mon igno-
minie. Alors s'elevait effrontement entre nous
le fantome moqueur de Rascal. Je couvrais mon
visage de mes mains; je fuyais a travers les
bruyeres; mais l'effroyable vision s'attachait a
mes pas et me poursuivait sans relache. Hors
d'haleine, je tombai enfin sur la terre, ou je
me roulai avec le delire d'un insense.

Et tant de maux pour une ombre! pour une
ombre qu'un seul trait de plume m'aurait ren-
due. Quand je songeais a l'etrange proposition

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VI.

Je donnai un libre cours à mes larmes. Elles
soulagèrent enfin mon coeur du poids insuppor-
table qui l’oppressait. Cependant je ne voyais
aucun terme à ma misère, et je me nourris-
sais, avec une sorte de fureur, du nouveau
poison que l’inconnu venait de verser dans mes
blessures. Mon âme appelait à grands cris l’image
de Mina, cette image douce et chérie. Elle
m’apparaissait pâle, éplorée, telle que je l’avais
vue pour la dernière fois au jour de mon igno-
minie. Alors s’élevait effrontément entre nous
le fantôme moqueur de Rascal. Je couvrais mon
visage de mes mains; je fuyais à travers les
bruyères; mais l’effroyable vision s’attachait à
mes pas et me poursuivait sans relâche. Hors
d’haleine, je tombai enfin sur la terre, où je
me roulai avec le délire d’un insensé.

Et tant de maux pour une ombre! pour une
ombre qu’un seul trait de plume m’aurait ren-
due. Quand je songeais à l’étrange proposition

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[[65]/0087] VI. Je donnai un libre cours à mes larmes. Elles soulagèrent enfin mon coeur du poids insuppor- table qui l’oppressait. Cependant je ne voyais aucun terme à ma misère, et je me nourris- sais, avec une sorte de fureur, du nouveau poison que l’inconnu venait de verser dans mes blessures. Mon âme appelait à grands cris l’image de Mina, cette image douce et chérie. Elle m’apparaissait pâle, éplorée, telle que je l’avais vue pour la dernière fois au jour de mon igno- minie. Alors s’élevait effrontément entre nous le fantôme moqueur de Rascal. Je couvrais mon visage de mes mains; je fuyais à travers les bruyères; mais l’effroyable vision s’attachait à mes pas et me poursuivait sans relâche. Hors d’haleine, je tombai enfin sur la terre, où je me roulai avec le délire d’un insensé. Et tant de maux pour une ombre! pour une ombre qu’un seul trait de plume m’aurait ren- due. Quand je songeais à l’étrange proposition 5

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Zitationshilfe: Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. [65]. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/87>, abgerufen am 11.12.2024.