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Fontane, Theodor: Wanderungen durch die Mark Brandenburg. Bd. 2: Das Oderland. Berlin, 1863.

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V.

Ma tres-chere et digne Cousine.

Comme je crois que Vous etes une de mes meilleures amies de ces
cantons je n'ai pas voulu omettre de Vous communiquer un plan qui se
dresse actuellement sur mon entree a Berlin. Il est a peu pres tel que
j'aurai l'honneur de Vous dire. Premierement je serai precede d'un trou-
peau de cochons, qui auront ordre de crier de toutes leurs force selon
que leur instinct leur suggere. Ce troupeau sera mene par un de mes
laquais respectifs, qui aura soin de leur education, chemin faisant. En-
suite de quoi viendra un troupeau de brebis et de moutons mene de
meme par un de mes valets. Ceux-ci seront suivis d'un troupeau de
boeufs de Podolie, qui me precedera immediatement. Mon equipage sera
tel: Monte sur un grand ane dont le harnois sera simple au possible.
Au lieu de pistolets j'aurai deux sacs remplis de diverses semences a
leur place. Au lieu de selle et de housse j'aurai un sac de farine ou
ma noble figure sera assise dessus tenant au lieu de fouet un gauli
dans la main et ayant au lieu de casque un chapeau de paille en tete.
A chaque cote de mon ane au lieu d'estafier seront une demie douzaine
de paysans tant avec des faux que des charues et autres instrumens de
l'agriculture qui marcheront en cadence avec la gravite requise. Succes-
sivement apres viendra, perche sur un grand chariot de fumier, l'heroique
figure du Sieur de Natzmer, qui crainte d'accident sera tiree par quatre
boeufs et une jument. Apres lui l'on remarquera au haut d'un chariot
de foin, l'effrayante figure du terrible Rovedel, qui tiendra le Crinomenon
d'une et le Criterion de l'autre main. Cette marche sera conclue par le
Sieur de Wolden qui aura la bonte de passer son tems sur un chariot
rempli d'orge et de froment. Je Vous supplie ma tres digne Cousine,
de vouloir assister a cette rare ceremonie. En mon particulier, j'aime
toujours mieux, que l'on se mocque de moi avec connoissance de cause
que de subir les huees d'une multitude de peuple effrenee. Je prepare
tout ce qu'il faut pour cette entree et n'attends que les ordres pour les
mettre en oeuvre.

Dernierement j'ai ete a Lebus, ou en revenant, j'ai essuye
chez le Sieur de Borsdorf, une multitude terrible d'incivils com-
plimens. L'on voulait me garder a souper. Mais l'echantillon de
leur eccessive politesse, qu'ils me donnoient, m'en degouta si bien que
je me serois plutot fait couper les deux oreilles que d'y rester. Je me-
ditai donc quelqu'honnete retraite et en ayant trouve je louai Dieu de
m'avoir sauve d'un deluge de pareilles civilites mal digerees. Le Prince
Carle a ete hier ici. L'on a peu bu, mais en revanche fait beaucoup de
bruit, casse quelques fenetres, brise quelques fourneaux etc. etc. Un petit
non plus ultra, a arrete mon voyage de Sonnenburg. Je ne m'en soucie
gueres, esperant de mieux employer mon temps. Je ne puis

V.

Ma très-chère et digne Cousine.

Comme je crois que Vous êtes une de mes meilleures amies de ces
cantons je n’ai pas voulu omettre de Vous communiquer un plan qui se
dresse actuellement sur mon entrée à Berlin. Il est à peu près tel que
j’aurai l’honneur de Vous dire. Premièrement je serai précédé d’un trou-
peau de cochons, qui auront ordre de crier de toutes leurs force selon
que leur instinct leur suggère. Ce troupeau sera mené par un de mes
laquais respectifs, qui aura soin de leur éducation, chemin faisant. En-
suite de quoi viendra un troupeau de brebis et de moutons mené de
même par un de mes valets. Ceux-ci seront suivis d’un troupeau de
boeufs de Podolie, qui me précédera immédiatement. Mon équipage sera
tel: Monté sur un grand âne dont le harnois sera simple au possible.
Au lieu de pistolets j’aurai deux sacs remplis de diverses semences à
leur place. Au lieu de selle et de housse j’aurai un sac de farine où
ma noble figure sera assise dessus tenant au lieu de fouêt un gauli
dans la main et ayant au lieu de casque un chapeau de paille en tête.
A chaque côté de mon âne au lieu d’estafier seront une demie douzaine
de paysans tant avec des faux que des charues et autres instrumens de
l’agriculture qui marcheront en cadence avec la gravité requise. Succes-
sivement après viendra, perché sur un grand chariot de fumier, l’héroique
figure du Sieur de Natzmer, qui crainte d’accident sera tirée par quatre
boeufs et une jument. Après lui l’on remarquera au haut d’un chariot
de foin, l’effrayante figure du terrible Rovedel, qui tiendra le Crinomènon
d’une et le Criterion de l’autre main. Cette marche sera conclue par le
Sieur de Wolden qui aura la bonté de passer son tems sur un chariot
rempli d’orge et de froment. Je Vous supplie ma très digne Cousine,
de vouloir assister à cette rare cérémonie. En mon particulier, j’aime
toujours mieux, que l’on se mocque de moi avec connoissance de cause
que de subir les huées d’une multitude de peuple effrenée. Je prépare
tout ce qu’il faut pour cette entrée et n’attends que les ordres pour les
mettre en oeuvre.

Dernièrement j’ai été à Lebus, où en revenant, j’ai essuyé
chez le Sieur de Borsdorf, une multitude terrible d’incivils com-
plimens. L’on voulait me garder à souper. Mais l’échantillon de
leur eccessive politesse, qu’ils me donnoient, m’en dégouta si bien que
je me serois plutôt fait couper les deux oreilles que d’y rester. Je mé-
ditai donc quelqu’honnête retraite et en ayant trouvé je louai Dieu de
m’avoir sauvé d’un déluge de pareilles civilités mal digérées. Le Prince
Carle a été hier ici. L’on a peu bu, mais en revanche fait beaucoup de
bruit, cassé quelques fenêtres, brisé quelques fourneaux etc. etc. Un petit
non plus ultra, a arrêté mon voyage de Sonnenburg. Je ne m’en soucie
guères, espérant de mieux employer mon temps. Je ne puis

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[518/0530] V. Ma très-chère et digne Cousine. Comme je crois que Vous êtes une de mes meilleures amies de ces cantons je n’ai pas voulu omettre de Vous communiquer un plan qui se dresse actuellement sur mon entrée à Berlin. Il est à peu près tel que j’aurai l’honneur de Vous dire. Premièrement je serai précédé d’un trou- peau de cochons, qui auront ordre de crier de toutes leurs force selon que leur instinct leur suggère. Ce troupeau sera mené par un de mes laquais respectifs, qui aura soin de leur éducation, chemin faisant. En- suite de quoi viendra un troupeau de brebis et de moutons mené de même par un de mes valets. Ceux-ci seront suivis d’un troupeau de boeufs de Podolie, qui me précédera immédiatement. Mon équipage sera tel: Monté sur un grand âne dont le harnois sera simple au possible. Au lieu de pistolets j’aurai deux sacs remplis de diverses semences à leur place. Au lieu de selle et de housse j’aurai un sac de farine où ma noble figure sera assise dessus tenant au lieu de fouêt un gauli dans la main et ayant au lieu de casque un chapeau de paille en tête. A chaque côté de mon âne au lieu d’estafier seront une demie douzaine de paysans tant avec des faux que des charues et autres instrumens de l’agriculture qui marcheront en cadence avec la gravité requise. Succes- sivement après viendra, perché sur un grand chariot de fumier, l’héroique figure du Sieur de Natzmer, qui crainte d’accident sera tirée par quatre boeufs et une jument. Après lui l’on remarquera au haut d’un chariot de foin, l’effrayante figure du terrible Rovedel, qui tiendra le Crinomènon d’une et le Criterion de l’autre main. Cette marche sera conclue par le Sieur de Wolden qui aura la bonté de passer son tems sur un chariot rempli d’orge et de froment. Je Vous supplie ma très digne Cousine, de vouloir assister à cette rare cérémonie. En mon particulier, j’aime toujours mieux, que l’on se mocque de moi avec connoissance de cause que de subir les huées d’une multitude de peuple effrenée. Je prépare tout ce qu’il faut pour cette entrée et n’attends que les ordres pour les mettre en oeuvre. Dernièrement j’ai été à Lebus, où en revenant, j’ai essuyé chez le Sieur de Borsdorf, une multitude terrible d’incivils com- plimens. L’on voulait me garder à souper. Mais l’échantillon de leur eccessive politesse, qu’ils me donnoient, m’en dégouta si bien que je me serois plutôt fait couper les deux oreilles que d’y rester. Je mé- ditai donc quelqu’honnête retraite et en ayant trouvé je louai Dieu de m’avoir sauvé d’un déluge de pareilles civilités mal digérées. Le Prince Carle a été hier ici. L’on a peu bu, mais en revanche fait beaucoup de bruit, cassé quelques fenêtres, brisé quelques fourneaux etc. etc. Un petit non plus ultra, a arrêté mon voyage de Sonnenburg. Je ne m’en soucie guères, espérant de mieux employer mon temps. Je ne puis

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Zitationshilfe: Fontane, Theodor: Wanderungen durch die Mark Brandenburg. Bd. 2: Das Oderland. Berlin, 1863, S. 518. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/fontane_brandenburg02_1863/530>, abgerufen am 21.11.2024.